Difficultés à rembourser les PGE : solutions à l’amiable et judiciaires

Pour faire face aux difficultés économiques liées à la crise du coronavirus, le Gouvernement a mis en place les prêts garantis par l’Etat (PGE), un dispositif de garantie permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises. Pour ce faire, la loi de finances rectificatives pour 2020 a autorisé l’octroi de la garantie de l’Etat dans la limite d’un encours total de 300 milliards d’euros. L’objectif était alors de renflouer la trésorerie des entreprises et des professionnels, à des conditions financières avantageuses. Ce dispositif a rencontré un grand succès, avec près de 800 000 PGE accordés par les banques entre mars 2020 et mars 2022. 

Trois ans après sa mise en place, l’heure du bilan a sonné : le président de la Fédération bancaire française a déclaré en janvier dernier que 4% des PGE rencontraient des difficultés de remboursement, principalement de la part de petites entreprises. En effet, certaines entreprises doivent faire face à de nouveaux obstacles : hausse des prix de l’énergie, inflation des matières premières…

Comprendre les PGE

Qu’est-ce qu’un PGE ?

Le PGE est un prêt octroyé par une banque à une entreprise, et non par l’État directement. L’État joue le rôle de garant, et non celui de prêteur. Cela signifie que si l’emprunteur ne parvient pas à rembourser son prêt, l’État intervient pour assurer une partie du remboursement. 

En effet, le risque financier est principalement porté par l’État qui garantit entre 70% et 90% de l’encours prêté, selon la taille de l’entreprise bénéficiaire. Par exemple, ce pourcentage est fixé à 90% pour les entreprises qui emploient France moins de 5 000 salariés et réalisent un chiffre d’affaires inférieur à 1,5 milliards d’euros.

Quelles sont les conditions de remboursement d’un PGE ?

Les PGE doivent normalement être remboursés sur une durée maximale de 6 ans. Aucun remboursement n’est exigé pendant les 12 mois qui suivent l’octroi du prêt (aucune mensualité, aucun intérêt). 

Avant la fin de la 1ère année du prêt, le chef d’entreprise devra décider des modalités de remboursement : il pourra choisir de rembourser immédiatement son prêt, de l’amortir sur 1 à 5 ans supplémentaires ou de mixer les deux. Une deuxième année de différé est possible, toujours dans une durée maximale de 6 ans.

S’agissant des taux bancaires, ils varient entre 1% et 2,5% selon la taille de l’entreprise et le délai de remboursement du prêt. La garantie proposée par l’État a également un coût, généralement inclus dans la mensualité prélevée par la banque.

Durant la crise sanitaire, plusieurs ajustements ont été apportés aux procédures collectives pour favoriser un accompagnement de qualité des entreprises en difficulté et étendre le recours aux procédures préventives. En parallèle, le traitement des PGE dans les procédures de restructuration a progressivement été précisé.

Restructuration des PGE

En 2022, les premières difficultés apparaissent s’agissant du remboursement du PGE. Certaines entreprises accumulent les obstacles (covid, inflation, crise énergétique…) et ne parviennent pas à rembourser le PGE selon les modalités définies. 

Restructuration purement amiable des PGE

Le report du remboursement du PGE et l’étalement des échéances peuvent être négociés directement auprès des organismes bancaires concernés.

Restructuration via la saisine de la Médiation du crédit aux entreprises

En cas de refus de négociation par les banques, il y a toujours la possibilité de saisir la Médiation du crédit aux entreprises. 

Pour les PGE de moins de 50 000 €, la société doit faire préalablement un point avec sa banque sur sa capacité de remboursement de ses crédits en cours, PGE compris. La banque lui écrit ensuite pour valider que son dossier remplit les critères de la médiation. L’entreprise, en fonction des conclusions de la banque, peut décider de déposer auprès du Médiateur un dossier en vue d’une restructuration. 

Pour les PGE de plus de 50 000 €, la société peut solliciter le Conseiller départemental à la sortie de crise afin de déterminer le dispositif le plus adapté. Le Conseiller peut, si cela se justifie, orienter vers la Médiation du crédit. 

Pour bénéficier d’une restructuration du PGE dans le cadre de la Médiation du crédit, plusieurs documents sont à produire :

  • Attestation de l’expert-comptable ou commissaire aux comptes sur des difficultés avérées de trésorerie et de remboursement à venir du PGE ainsi que sur l’état de non-cessation des paiements
  • Plan de trésorerie à 12 mois
  • État des dettes fiscales et sociales
  • Tout document attestant de la capacité de rebond

Fort de ces documents, l’emprunteur devra ensuite prendre attache avec la banque ayant consenti le PGE qui lui confirmera par courriel la possibilité de saisir le Médiation de crédit. Ce n’est qu’après ce double filtre que l’emprunteur pourra effectivement saisir la Médiation du crédit.

Une fois saisi, le médiateur du crédit recherche puis propose un accord équilibré aux banques : allongement de la durée du remboursement PGE au-delà ses 6 ans et éventuellement des autres crédits bancaires. La durée du PGE passe ainsi de 6 à 8 ans, plus exceptionnellement à 10 ans. Les abandons ou conversions de tout ou partie du PGE sont exclus. La restructuration du PGE pourra également être accompagnée d’un différé d’amortissement de 6 mois supplémentaires.

Une entreprise ayant fait le choix de restructurer son PGE bénéfice de conséquences positives : étalement du PGE permettant un allongement du remboursement, l’échelonnement possible de toutes les autres dettes bancaires, etc. En outre, l’intervention de la médiation de crédit est gratuite et confidentielle. 

Certaines sociétés peuvent appréhender la restructuration de peur d’être déclarées en défaut par les banques et de ne plus pouvoir accéder à de nouveaux financements. Certes la banque peut se montrer plus regardante pour en accorder pendant une période minimale d’un an, mais cela n’empêche pas l’obtention de nouveaux crédits.

Restructuration dans le cadre d’une procédure amiable

Lorsque les négociations « purement » amiables ont échoué ou lorsque le PGE est d’un montant supérieur à 50 000 €, le chef d’entreprise peut se tourner vers les procédures amiables, telles que la conciliation ou le mandat ad hoc pour obtenir une restructuration du prêt. 

L’article L 611-15 du Code du commerce édicte une obligation de confidentialité en matière de mandat ad hoc et de conciliation. En effet, le protocole d’accord est couvert par la confidentialité et toute personne qui est appelée à une telle procédure ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue par la confidentialité. 

Le mandat ad hoc

Une entreprise en difficulté – sans pour autant être en état de cessation des paiements – peut demander au juge la désignation d’un mandataire ad hoc pour l’aider à sortir de ses difficultés. 

Elle doit saisir le président du Tribunal du commerce si elle exerce une activité commerciale ou artisanale et celui du Tribunal judiciaire dans les autres cas (profession libérale et agricole notamment). Après sa saisine, le juge rend une ordonnance d’ouverture de la procédure en désignant un mandataire ad hoc, chargé de mener les négociations entre l’entreprise et les créanciers. 

La rémunération du mandataire est réglementée : elle est fixée par le Tribunal après consultation du dirigeant et dépend des diligences qui devront être accomplies par le mandataire. 

L’objectif du mandataire ad hoc est donc d’obtenir un accord amiable entre l’entreprise et ses créanciers. Cette procédure a pour principal atout d’offrir un cadre souple de négociations, grâce à l’intervention de ce tiers professionnel.

La conciliation

Pour être éligible à la conciliation, l’entreprise doit rencontrer une difficulté juridique ou financière, avérée ou prévisible, mais ne doit pas être en cessation des paiements depuis plus de 45 jours. 

Cette procédure est à la seule initiative du chef d’entreprise, qui exprime sa demande dans une requête dans laquelle il doit exposer sa situation financière, économique et sociale, ses besoins de financement ainsi que les moyens d’y faire face.

La procédure de conciliation est en principe assez courte, puisque sa durée initiale fixée par le législateur est de 4 mois avec prorogation exceptionnelle d’un mois.

Si le juge accepte d’ouvrir la procédure, il va désigner un conciliateur chargé de trouver un accord avec les créanciers de l’entreprise en difficulté. L’accord peut par exemple aboutir à la mise en place par les banques de la société de nouveaux prêts garantis par l’Etat (PGE résilience). Le conciliateur peut également présenter toute proposition au chef d’entreprise qui permettrait la sauvegarde de l’entreprise, la poursuite de l’activité et le maintien de l’emploi.

Si pendant la procédure l’entreprise est mise en demeure ou poursuivie par un créancier, le juge pourra, à sa demande et après avoir entendu le conciliateur, accorder des délais de grâce.

La conciliation a l’avantage de rassurer les créanciers qui accepteraient d’y participer. En effet, ils peuvent bénéficier du privilège de conciliation s’ils acceptent, par exemple, de faire un nouvel apport en trésorerie à l’entreprise pour assurer la poursuite de son activité. L’intérêt pour le créancier est que si la conciliation venait à échouer et qu’une procédure collective s’ouvrait, il sera assuré d’être payé en priorité par rapport à d’autres créanciers de la procédure. 

Si un accord abouti, le juge peut intervenir pour constater ou homologuer l’accord. La voie de la constatation a le mérite de préserver la confidentialité autour de l’accord de conciliation, puisqu’il n’y aucune mesure de publicité. Sous certaines conditions, l’entreprise peut également solliciter l’homologation de l’accord. Dans ce cas, le jugement d’homologation fera l’objet d’une mesure de publicité au BODACC. 

L’accord de conciliation – constaté ou homologué – entraine une interdiction pendant la durée de son exécution de toute action en justice contre l’entreprise dans le but d’obtenir le paiement des créances qui ont fait l’objet de l’accord.


1 Article L 611-4 du Code de commerce

2 T. Com. Le Mans 5 décembre 2022 aff. n°2022004480

3 Article L 611-7 du Code de commerce et article 1343-5 du Code civil

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